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Scandale dans La République
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Scandale dans La République

Avec Athalie, nous discutons vengeance pornographique

Week-end dernier, la société haitienne découvrait, redécouvrait avec stupeur que les femmes ont un corps, que les femmes ont des parties intimes, que les femmes sont des êtres humains. Mais quel scandale…!

Photo libre de droits du corps d’une femme noire nue, trouvée sur le site Pexels. C’était soit ça soit le célèbre chef-d’oeuvre de Gustave Courbet, L’origine du monde. J’espère avoir fait le choix le plus sage, mais il est vraiment temps que la société arrête de contrôler le corps des femmes.

J’ai donc invité une jeune chercheuse haitienne en criminologie à l’Université d’Ottawa, Athalie Lindor, à parler de “vengeance pornographique” avec moi cette semaine. C’est l’un des sujets, à côté des tensions entre Haiti et la République dominicaine, qui dominent (malheureusement) l’actualité en Haiti. Alors je propose trente minutes de réflexion avec Athalie, juste pour mes abonnés et mes abonnées.

Écoutez. C’est devenu une tradition maintenant. Dès qu’une artiste, une femme, commence à avoir du succès dans ce qui est pompeusement appelé la HMI (haitian music industry, pour “industrie musicale haitienne”, même si elle n’a d’industrie que le nom), une épée de Damoclès pèse sur elle.

On peut se réveiller un matin et apprendre que des photos de ses parties intimes ou de situations intimes viennent d’être publiées sans son consentement. Le plus récent épisode remonte au week-end dernier.

La victime est une artiste haitienne que j’admire beaucoup et que je continue d’admirer - peut-être parce que j’ai toujours su qu’elle était un être humain, avec un corps et des parties intimes, alors pourquoi le fait qu’elle soit victime d’un individu mal intentionné qui a publié des photos intimes sans son consentement devrait changer quelque chose?

Naturellement, un premier réflexe est de demander qui a fait ça. Le saura-t-on jamais? Mais cela changerait quoi si on le savait? Y a-t-il des provisions légales pour punir ces personnes? A ce stade, on se demande même pourquoi les auteurs de ces crimes se cachent parfois, alors que l’impunité c’est la règle.

Mais on devrait aussi se demander pour qui. Pour qui publie-t-on ces images intimes? Voilà une bonne question.

Qui dans la société demande et consomme ces contenus? Qui s’ennuie à ce point qu’il jubile de voir un inconnu, un lâche, un traitre (parce qu’il faut bien appeler un chat un chat) tenter d’humilier et d’intimider une femme qui a du succès? L’économiste en moi me dit que la demande qui entretient cette offre malsaine fait aussi partie du problème.

La vengeance pornographique (revenge porn en anglais) est un phénomène qui a pris de l’ampleur ces dernières décennies avec Internet et l’avènement des médias sociaux. Certains pays, comme le Canada, le considèrent maintenant comme un crime (et c’en est un). Mais, même dans ces pays, il y a encore des flous juridiques. Beaucoup de législations dans beaucoup de pays ignorent tout simplement le phénomène.

Si vous vous voulez en savoir plus sur les différents aspects (lois, technologie, impacts, etc.) du phénomène, abondamment documentés par les chercheurs et les chercheuses, faites-moi savoir. J’ai accès à de nombreuses recherches effectuées dans différents pays et qui sont très éclairantes sur le sujet.

Le concept même de vengeance pornographique, comme l’explique Athalie, est problématique. Il sous-entend que la victime avait fait quelque chose de mal qui justifie qu’on se venge d’elle. C’est aussi un terme qui regroupe (parfois abusivement) une diversité de phénomènes et d’activités, allant de l’upskirting (“filmer sous la jupe des femmes sans leur consentement”) à la pornographie deepfake ou hypertruquée (intelligence artificielle aidant).

Dans tous les cas il y a violation du droit de la personne sur son propre corps (ce que l’UNFPA Haiti appelle joliment le bodyright, à l’instar de copyright).

Dans ce podcast, Athalie et moi discutons de la mentalité et des représentations sociales genrées qui amplifient la vengeance pornographique. Pourquoi ça arrive? Pourquoi ça pénalise socialement les victimes, alors qu’elles sont des victimes et, par définition, ne sont pas responsables de ce qui est arrivé? Bien d’autres questions encore sont abordées dans ce premier épisode.

Ce podcast ne suivra pas un horaire régulier. Nous reviendrons à chaque fois qu'il y aura quelque chose d'urgent et d’important à discuter. Tout cela est rendu possible grâce au soutien financier des personnes qui ont opté pour un abonnement payant. Certains épisodes seront réservés aux personnes qui détiennent un abonnement payant, alors je vous encourage, si vous en avez les moyens, à franchir ce cap. N’hésitez pas non plus à parler de Haiti Recherche avec vos proches. Chaque premier mardi du mois, nous avons du contenu accessible à tout le monde et les autres mardis nous publions également à mesure que nous préparons le bulletin mensuel.

Note importante: Je fais exprès de ne pas mentionner le nom de la victime ou de ne pas fournir trop de détails sur ce qui s’est passé afin de ne pas contribuer (même involontairement) à amplifier le problème. De plus, dans ce podcast, l’actualité est seulement un moyen, pas une fin, pour aborder des questions de société que nous jugeons essentielles.

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