Moins de 0.5% du territoire en 2022: les forêts primaires haïtiennes disparaissent à un rythme alarmant! [Fiche de synthèse]
Bulletin Haiti Recherche
Titre de l’article: Décryptage des changements dans les forêts primaires en Haïti et en République dominicaine à l'aide des séries chronologiques Landsat (traduit)

Résultats
L’article est publié dans le journal Remote Sensing of Environment en 2025 par une équipe de trois chercheurs américains (dont Joël Timyan, membre de l’organisation Haitian National Trust, à Pétionville, qui se donne pour mission de “sauver et de protéger l’environnement et la biodiversité d’Haïti pour les générations futures”). Il analyse l'impact sur la biodiversité de la perte des forêts primaires (par opposition aux forêts secondaires) sur l'île d’Hispaniola (République Dominicaine et Haïti), entre 1996 et 2022. L’article insiste sur l’importance de distinguer ces deux types de forêt, souvent confondus dans les analyses classiques. Pourtant, les forêts primaires, soit des forêts anciennes peu perturbées par les activités humaines (celles qui n’ont jamais été perturbées étant qualifiées de forêts primaires intactes), sont de véritables bassins de biodiversité et d’espèces endémiques. Malheureusement Haïti n’a réussi à sauvegarder que moins de 1% des forêts primaires dont il disposait à l’origine et on prévoit leur disparition complète au cours des deux prochaines décennies si rien n’est fait.
A l’aide de données satellitaires Landsat et de l’utilisation de l’algorithme COLD (COntinuous monitoring of Land Disturbance), cette nouvelle étude montre une diminution alarmante des forêts primaires en Haïti, leur couverture passant de 0.75% à 0.44% du territoire. Cela équivaut à une perte de 324 ha/an en Haïti, tandis que la République Dominicaine voit ses forêts primaires chuter de 7.14% à 5.67% du territoire, soit de 2 704 ha/an. Même si en termes de superficies annuelles perdues, les pertes sont plus élevées en République dominicaine, en pourcentage des forêts primaires qu’il lui reste, les pertes sont plus élevées en Haïti.
L’étude révèle une fragmentation plus marquée des forêts primaires en Haïti. Cette tendance à la diminution des surfaces forestières est expliquée par des incendies (65,7 %), l’abattage des arbres (20,9 %) ainsi que les ouragans (9 %). L’étude montre aussi que même les zones protégées ne sont pas épargnées, en particulier en Haïti où la pression humaine est forte. In fine, les chercheurs concluent que les forêts situées sur des pentes faibles et proches des bassins versants sont les plus vulnérables à la déforestation.
Méthodologie
L’étude repose sur une approche robuste combinant des séries temporelles d’images Landsat (Données Landsat collection 2 niveau 2) et un algorithme de détection continue des perturbations (COLD). Le modèle d’apprentissage automatique de forêt aléatoire (Random Forest suivi d’un post traitement) est entraîné à classer la couverture forestière de chaque segment temporel à l’aide des prédicteurs comme: paramètres spectraux dérivés des segments temporels ajustés par COLD et les caractéristiques topographiques (altitude, pente et exposition). Cette approche a permis de distinguer avec succès les forêts primaires des forêts secondaires avec une précision de 80,5 % (± 5,2 %). Elle permet une détection fine et continue des perturbations forestières et limite les risques de confusion entre forêts secondaires anciennes et forêts primaires. Elle offre une analyse précise de la dynamique et de la résilience des écosystèmes. Une telle approche peut être appliquée à d’autres régions ou à plus grande échelle.
Enseignements tirés
La déforestation persiste fortement sur l'île d’Hispaniola à l’intérieur et en dehors des zones protégées, mais avec une plus forte proportion sur Haïti, ce qui révèle l’insuffisance des mesures de conservation. La majorité des forêts primaires perdues sont converties en forêts secondaires ainsi qu’en des surfaces non forestières. Les forêts sur terrains plats sont les plus vulnérables à la déforestation parce qu’elles sont les plus accessibles aux humains. L’étude montre que la télédétection est un outil puissant pour le suivi forestier en Haïti. Les débats sur la déforestation en Haïti font rarement la distinction entre forêts primaires et forêts secondaires. Cet article a le mérite non seulement de le faire, mais aussi de la mesurer, de suivre son évolution dans le temps et de la comparer avec ce qui se passe en République dominicaine. Si le couvert forestier pris de façon général est bien plus élevé que le mythique chiffre de 2% souvent avancé dans les médias, la réalité de la couverture en forêts primaires est malheureusement plus triste, avec un pourcentage inférieur à 1% du territoire.