Il y avait un projet en lançant ce Substack.
C’était d’offrir une lecture personnelle sur Haiti, ses problèmes et ses atouts. Je m’étais engagé à le faire principalement au prisme de la science, car je trouve que la recherche scientifique est encore peu valorisée en Haiti comme moyen de résoudre nos problèmes. Nous prions beaucoup, critiquons beaucoup, mais nous analysons peu et surtout, nous proposons peu de solutions informées et structurées.
Pourtant, quelle meilleure source que les travaux scientifiques, évalués par les pairs, pour établir les bases de l’action collective dont nous avons tant besoin? Les pays qui ont parié sur la science n’ont, encore aujourd’hui, exprimé aucun regret. Alors qu’attendons-nous? La science, c’est aussi, accessoirement, un bon moyen d’apprendre à nous connaitre en tant qu’haitiens et haitiennes, à connaitre le pays, son histoire, ses défis et son potentiel.
Bien entendu, parfois on trouve aussi d’excellentes perspectives dans les livres, les travaux des journalistes, dans des blogues, ou même dans les romans. Parfois, je prendrai également des exemples issus de mon vécu, de mon histoire, de mes lectures pour illustrer certains points. Je parlerai aussi de quelques événements dans l’actualité nationale et internationale qui m’interpellent.
Cette longue pause m’a permis de me recentrer. Maintenant je reprends du service.
Ce mois de janvier, j’ai terminé mon stage post-doctoral à l’Université Laval. J’ai pu acquérir des connaissances et de l’expérience sur de nombreux sujets pendant ce stage (le problème des aflatoxines en Haiti, le développement durable, l’économie comportementale, comment les poules font des oeufs, etc.).
Depuis janvier, j’enseigne aussi deux cours à l’Université Laval: un cours de Systèmes alimentaires et agricultures du monde (au cours duquel, devant un public de 60 étudiants et étudiantes, je parle de temps en temps d’Haiti) et un cours de Méthodologie en agroéconomie.
Je suis actuellement professionnel de recherche à temps partiel au sein de la Chaire de recherche économique sur l'industrie des oeufs de l’Université Laval. Je travaille aussi au sein de l’équipe de recherche Agricultures et territoires. Il est aussi possible que j’intègre la sphère politique canadienne cette année (à titre de scientifique), je vous reparlerai bientôt de cette opportunité, si elle se confirme.
J’ai également enseigné pendant le temps des fêtes l’économie expérimentale à l’Institut universitaire des sciences en Haiti pour des étudiants en Master 2. Comme vous le voyez, j’ai une vie chargée, avec deux beaux enfants qui grandissent. Mais ce que j’ai aussi, c’est un trop-plein d’idées et un feu qui brûle en moi. Le feu de voir ce pays changer, et de façon plus large, cette intolérance qui me ronge face à l’injustice et aux inégalités dans le monde. Je dormirais tellement mieux sans cette intolérance! Mais que voulez-vous? C’est plus fort que moi.
J’ai donc besoin de sortir tout ça, de faire quelque chose. Et je compte bien profiter de cette infolettre et de l’excellent public que vous êtes pour le faire.
Je veux faire plus, mais avant tout je veux faire mieux. J’ai un public curieux et sensible qui est à l’écoute. Un public de qualité (qui a continué à grandir même en mon absence). Je compte utiliser cette écoute que vous m’offrez. C’est l’occasion de sortir le grand jeu.
Mais c’est exigeant d’aller plus loin que l’évidence. De ne pas s’arrêter aux apparences. J’ai une peur bleue des évidences. Ce qui m’allume, c’est le contre-intuitif, les effets pervers plus que les prédictions justes, la pensée hors du cadre établi, le fait de sortir des sentiers battus.
Voici donc ce que je vous propose. Je vais me remettre à faire ce qui me passionne le plus. Réfléchir, écire et lire en vue d’attaquer de vrais problèmes.
Je ne trouve pas que passer 15 minutes à essayer de résumer ou synthétiser un article scientifique en langage courant, c’est de la grande valeur ajoutée, d’autant que ces articles ont déjà en général leur propre résumé. Le problème, c’est que le temps de faire tous ces résumés, je suis fatigué et je n’ai plus le temps pour de vraies analyses. Le format du bulletin va donc légèrement changer.
Nous aurons chaque premier mardi du mois, comme avant, un bulletin de quelques recherches intéressantes publiées sur Haiti récemment ou, parfois, il y a plus longtemps. Pour chaque article, je me contentrai de reproduire en français le résumé officiel (parfois avec quelques amendements pour faciliter la lecture). Certaines fois, je reproduirai également certains extraits parlants qui proviennent de l’article. J’ajouterai si nécessaire une liste de quelques points clés à retenir ou de quelques idées que cela m’inspire.
Quant aux reportages et rapports, je me contenterai la plupart du temps de les lister, avec un titre suffisamment évocateur et le lien qui permet d’aller les consulter, sans autre commentaire.
Avec ce nouveau format, je pourrai constituer très rapidement le bulletin mensuel car je ne serai pas tenu de produire des synthèses fastidieuses. Comme ça je conserverai le plaisir d’écrire.
Quand aux autres mardis, j’en profiterai pour écrire par pur plaisir et explorer des sentiers nouveaux, avec mes propres lentilles, en toute liberté.
J’ai aussi décidé de rendre tous mes textes gratuits, dans une perspective de démocratiser l’accès au savoir. L’abonnement représente un coût trop élevé pour beaucoup d’Haitiens et d’Haitiennes et ça m’arrache le coeur de les exclure. En revanche, j’aurai toujours besoin de votre soutien financier, sur une base volontaire, car sans ce soutien le coût d’opportunité d’écrire ici devient trop élevé et je finirai par me décourager. Avec ce soutien, je peux aussi m’offrir des livres (au grand dam de ma conjointe qui n’arrête pas de se plaindre de voir la pile de livres augmenter) afin de pouvoir produire pour vous les meilleures analyses et vous faire découvrir des aspects peu connus d’un problème. Enfin, c’est surtout une façon pour vous de me dire de continuer, j’aime ce que tu fais Stevens. Cela signifie aussi que ceux et celles qui payent font bénéficier aussi ceux et celles qui ne payent pas, et ce n’est pas une mauvaise chose. J’ai toujours cru en la solidarité. :)
Pour finir, je vous laisse avec une liste de points ou pensées au hasard pour couvrir rapidement un peu de tout ce qui s’est passé depuis la dernière fois que j’ai publié cette infolletre et je vous dis à mardi. Et juste avant, je tiens à remercier les personnes et autres comptes Substack comme
qui ont pensé à moi pendant mon absence. Je suis de retour. Pour le meilleur et seulement pour le meilleur.Finalement, la montagne kenyane n’aura même pas accouché d’une souris. Le projet semble mort dans l’oeuf. On appris il y a quelques jours que la justice au Kenya a déclaré “illégal” le déploiement prévu de policiers en Haiti. Retour à la case départ: Haiti se retrouve seule et sans espoir. A moins qu’elle l’ait toujours été et que l’espoir ne puisse venir que d’une initiative citoyenne?
Les États-Unis et le Canada continuent de n’en faire qu’à leur tête alors que la plus haute cour de justice internationale a ordonné que tout soit fait pour empêcher un génocide à Gaza et laisser entrer l’aide aux gazaouis. Pourtant le Canada est signataire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Au lieu d’engager des actions pour arrêter cette horreur, ce qu’on voit plutôt c’est une décision absurde de suspendre tout financement à l’UNRWA, agence des Nations qui fournit une aide indispensable à près de 6 millions de Palestiniens. C’est à se demander ce que vaut encore une vie palestinienne. En se comportant ainsi, selon certains experts dans The Conversation, le Canada risque de se rendre complice de crimes graves.
Une brigade de l’Agence nationale des aires protégées “sème le chaos” en Haiti. Expression qui ne veut plus dire grand-chose, car le statu quo lui-même est déjà un chaos dans ce pays. Mais RFI a préparé un dossier sur ce fait insolite, un corps armé, la BSAP, chargé de protéger des aires protégées, qui décide de se retourner contre la police. En passant, le pourcentage d’aires protégées du territoire national en 2010 était estimé à seulement 0.35% du territoire, au mieux, selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement.
La Food Systems Countdown Initiative rassemble des données de qualité sur la durabilité et la résilience des systèmes alimentaires en Haiti. C’est une base de données qui couvre plus de 70 pays à travers le monde, y compris le Canada. J’ai pris le temps de la creuser un peu, et j’ai découvert quelques tendances intéressantes. J’y reviendrai. :)